Combien se sont perdus dans les méandres du système judiciaire français ? Épuisés, combien ont baissé les bras ? María Dolores Ruiz en est à sa dixième année de procédure pour faire reconnaître la responsabilité de l’entreprise espagnole Puertas Nueva Castilla dans la mort accidentelle de son fils, survenue sur un chantier d’Ascain en février 2003.
Dix ans, et des raisons d’abandonner la bataille à la pelle. D’autant que ce qui paraît souvent abscons aux yeux du quidam français, peut se révéler totalement incompréhensible pour le justiciable étranger. Mais cette mère de famille, originaire de Cantabrie, est de la trempe de ceux qui s’accrochent à la moindre lueur d’espoir.
Même si, dans sa maisonnée de Puente Viesgo, située à une trentaine de kilomètres de Santander, la vie s’est arrêtée le 11 février 2003. L’aîné de la famille, José Manuel Alonso Ruiz, a alors 22 ans. Le jeune Cantabre vient de terminer ses études. Par une agence d’intérim, il décroche un boulot «d’assistant monteur de portes».
« Pas le job de sa vie »
Rien à voir avec sa formation initiale en administration et gestion de petites entreprises, mais faute de mieux, il saute sur l’occasion. «Je lui disais de faire attention, qu’il n’avait aucune expérience dans ce domaine. Mais ce n’était pas le job de sa vie. Ça lui permettait juste d’attendre un meilleur travail», ressasse María Dolores Ruiz, un dossier épais comme un jambon ibérique sous le bras. Au début de l’année 2003, José Manuel est embauché par le leader espagnol de fabrication de portes métalliques - celles que l’on trouve à l’entrée des entrepôts - au titre d’«itinérant» à travers la Cantabrie. Mais très vite, Puertas Nueva Castilla l’envoie au Portugal, puis au Pays basque français.
Le 11 février 2003, il meurt écrasé sous le poids de plusieurs portes d’un hangar situé dans une zone industrielle d’Ascain. Les circonstances de l’accident sont confuses. Il n’existe qu’un témoin : le chef d’équipe. Selon l’enquête, ce dernier aurait demandé au jeune homme de maintenir, à la force de ses bras, huit portes métalliques de 150 kilos chacune, posées en équilibre contre un mur. Le temps que le contremaître se retourne vers la grue qu’il devait actionner, les portes se seraient effondrées sur la victime.
La famille portera plainte contre le patron de Puertas Nueva Castilla pour homicide involontaire. L’instruction mettra en évidence d’importantes négligences en termes de sécurité. La responsabilité de la société espagnole ne fait alors plus aucun doute. Pourtant, la procédure s’enlise. En cause, un dossier complexe, à cheval entre deux législations.
Sept avocats en dix ans
«À chaque fois, c’était le même scénario : nos avocats français et espagnol étaient dépassés par la situation. Ils disaient travailler sur le dossier mais n’échangeaient pas leurs informations. Au bout d’un moment, ils prétextaient des problèmes de compréhension au niveau de la langue ou un manque de temps. Nous devions alors trouver un nouvel avocat et relancer les magistrats.»
Dix ans de bataille juridique plus loin, la famille aux revenus plus que modestes calcule avoir dépensé près de 50 000 euros en frais d’avocats (sept se sont succédé sur le dossier), de traduction et d’allers-retours aux palais de justice de Pau et de Bayonne.
Mais María Dolores Ruiz a eu raison d’espérer. En mars 2012, le tribunal correctionnel de Bayonne condamne le gérant de l’entreprise cantabre à un an de prison avec sursis, 3 000 euros d’amende et 4 000 euros d’indemnités.
Alors que la famille aperçoit le bout du tunnel, le jugement est suspendu en avril 2013. «Mon père, qui s’était porté partie civile, est décédé entre-temps. Tant que le tribunal de Bayonne ne procède pas à cette modification, la sentence ne peut être exécutée.» Et pendant ce temps, María Dolores s’épuise. «Aucun jugement ne nous rendra notre fils, mais nous nous devons d’aller jusqu’au bout pour José Manuel.»
http://www.sudouest.fr/2013/11/05/le-combat-d-une-mere-1220062-3982.php
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