jeudi 9 avril 2015

Louis Bodin : «Il me faudra du temps»

Il y a un mois, un terrible accident causait la mort de dix personnes sur le tournage, en Argentine, d’une nouvelle émission d’aventures de TF1, « Dropped ». Aux premières loges, son présentateur, Louis Bodin. Silencieux depuis son retour en France, il s’apprête à reprendre le chemin des studios de TF1 et de RTL ce jeudi. L’occasion d’ « essayer » de tourner la page.
D’abord, comment allez-vous ?
Personne ne pense un jour être confronté à la disparition, avec une brutalité inouïe, de dix personnes avec lesquelles on a travaillé intensément et passionnément. Après, chacun, suivant son caractère, s’en remet plus ou moins vite et bien. Dans mon cas, j’ai ressenti le besoin de passer par des spécialistes. D’où mon passage à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris.
Avez-vous été hospitalisé ?
J’ai fait une séance de deux heures de ce que l’on appelle le « déchoquage », où l’on essaie de voir si le choc subi a laissé des faiblesses dans le cerveau qui laisseraient supposer une évolution défavorable. S’il y a une faille, il faut la traiter. Il me faudra du temps ; mais a priori rien ne semble empêcher ma lente progression vers un retour des émotions positives ou négatives de la vie normale.
Qu’avez-vous ressenti en posant le pied sur le sol français ?
Le confinement obligatoire dans lequel nous étions à l’hôtel en Argentine avait plusieurs vertus et des défauts. Notamment le défaut d’avoir à nous faire vivre dans les murs où nous étions huit de plus quelques heures auparavant… Mais les liens de confiance que nous avions eu le temps de tisser la semaine précédente ont servi dans cette solidarité nécessaire face à l’épreuve.

« Ce soir-là au 20h, j’étais sur off »

A quoi ressemblaient vos journées ?
On ne faisait rien d’autre que se soutenir mutuellement. Quand l’un craquait, les autres venaient le soutenir. Et ainsi de suite. Des psys sont venus de l’extérieur pour parler avec nous ; et nous faire parler. 
Culpabilise-t-on d’être toujours vivant ?
Ce sentiment nous touche tous à un moment ou à un autre. Mais, comme il s’agit d’un accident, dans le sens plus imprévisible du mot, je n’ai pas gardé cette culpabilité en moi longtemps. Je ne peux pas parler pour les autres…
Comprenez-vous qu’une partie du public, ainsi que Philippe Candeloro semble-t-il, vous ait trouvé un peu « froid » dans votre façon de commenter ce drame au 20h de TF1 ?
C’est important pour moi de revenir sur ce point. Ceux qui ont vécu des moments comme ceux-là savent que l’on gère l’émotion comme avec un bouton « on/off ». Effectivement, ce soir-là au 20h, j’étais sur « off ». Si j’étais passé sur « on », je me serais écroulé à l’antenne, en état de choc. Je n’aurais pas pu faire ce plateau. Et, honnêtement, je ne voulais pas montrer cela à l’antenne. Je me suis mis en apnée. Finalement, je suis d’accord avec vous, cela a donné une image quasi inversée de ce qu’était mon état.
La polémique sur votre intervention au JT de TF1, où vous êtes apparu avec les épaves des hélicoptères en fond, ce fut une seconde blessure ?
Une émission [ndlr : « Médias le magazine », sur France 5] le dit clairement : TF1 ne voulait pas de ce cadre. Moi, j’arrive en retard sur le site ; je ne parle pas espagnol et dans une certaine confusion je me retrouve à faire ça… Je le regrette à deux titres. D’abord, professionnellement, c’est une terrible erreur ! Ensuite, à titre privé. J’étais déjà sur la « dropped zone » lorsque le crash a eu lieu. J’avais échappé au bruit et à l’image de ce drame. Et là, on me balançait ça en pleine face. J’avais le sentiment d’une double peine.

Rien « d’attaquable en matière de sécurité »

Comment réagissez-vous au dépôt de plainte du frère de Florence Arthaud, qui estime qu’on a privilégié la prise d’images par rapport à la sécurité ?
La société de productions a déjà répondu sur les faits point par point. Et, à l’heure où l’on se parle, l’enquête n’est pas terminée. En revanche, étant moi-même pilote d’avion, de planeur et d’hélicoptère, je n’avais rien noté d’attaquable en matière de sécurité autour de cette émission.
Aurez-vous envie de regarder la première émission, qui a été tournée juste avant le drame ?
Pas pour l’instant. Si un jour, une projection est organisée et que l’on s’y retrouve tous ensemble, j’en aurai peut-être la force.
Revenir présenter les bulletins météo de TF1 et RTL, est-ce que cela a encore du sens après tout ça ?
C’est tout le problème de la reprise d’une vie normale… On se la pose, cette question : à quoi ça sert ? C’est quasiment une question philosophique. La normalité doit revenir, sinon on arrête tout. Chacun d’entre nous va y revenir à sa manière. Et puis, j’ai tous les messages de soutiens reçus depuis qui me portent.
Avez-vous un message à faire passer ?
Oui, aux familles des victimes. Qu’elles n’oublient pas que je suis chaque jour en pensées avec elles.
Reprise d’antenne de Louis Bodin (Météo) le 09/04/15 à 19h55 sur TF1 et à 20h45 sur RTL.
http://www.ladepeche.fr/article/2015/04/09/2083279-louis-bodin-il-me-faudra-du-temps.html

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